TWINAGERS NEWS
31/01/08
Le Baroque
Le mot « baroque » vient du portugais « baroco » qui désigne
en 1531, en joaillerie, une perle irrégulière non taillé. Le baroque est une période située entre la renaissance et le
classicisme.
Si un mouvement littéraire est un groupe d’artistes (en
musique, en art, en littérature) qui ont des points et conscience d’appartenir à
un groupe particulier avec un chef de file, en opposition avec ce qu’il s’est
fait avant (une rupture), le baroque ne répond pas aux mêmes règles. Il n’y a
pas de chef de file. Le mot « baroque » n’apparaît qu’à la fin du XIXème
siècle. Il sera à l’origine péjoratif désignant le bizarre, l’étrange,
l’excentricité. Il faudra attendre le XX ième siècle pour que la France
reconnaisse sa contribution, à l’esthétique baroque. C’est un mouvement
européen, les artistes du baroque n’avaient pas conscience d’appartenir à un
mouvement.
Le Baroque est un art qui se retrouve dans l’architecture,
dans la peinture, dans la sculpture, dans la littérature, et dans la
musique. Le
Baroque c’est la démesure, la richesse ornementale, l’extravagance.
Depuis 1618, la guerre de Trente déchire l’Europe. La
situation antérieure n’est pas plus brillante. Louis XIII, mal préparé au
pouvoir, s’en remet pour gouverner au cardinal Richelieu. Ce sont des complots
incessants qui visent à l’assassiner. Le parti catholique ne lui pardonne pas de
combattre les très catholiques monarchies d’Espagne et d’Autriche.
Cette période d’instabilité et de remise en cause trouve sa traduction
dans l’esthétique baroque, dominante depuis le début du siècle. En 1635-1636,
celle-ci commence à décliner la concurrence des premiers balbutiements de ce que
deviendra le classicisme. Mais elle demeure encore vivace. Le baroque et tout
autant une éthique qu’une esthétique, une vision du monde qu’un art d’écrire, de
peindre, de sculpter et de construire. Conscient que le monde est en plein
bouleversement, le baroque possède un goût marqué pour le provisoire et la
métamorphose : tout change, tout se modifie. Le mouvement est roi. Plus de
règles ni de loi par voie de conséquences. La réalité est trop complexe pour
l’enfermer dans les codes. Elle est même si complexe qu’il est vain de chercher
à en saisir la réalité ou un éventuel sens caché. Faute de pouvoir atteindre
l’ « être », seul compte le paraître. Contrairement au proverbe, « l’habit fait
le moine ». Il en résulte une vaste aspiration à la liberté, un hymne à la vie
éphémère et changeante.
Dans Les Essais, Montaigne préfigure le mouvement
baroque. L’extrait « Du Repentir » de cette œuvre a pour objectif de présenter
l’ambition de l’auteur. D’’abord il fait un autoportrait d’un homme quelconque,
mais qui est représentatif de tous les hommes. Cette œuvre personnelle est aussi
une réflexion sur la condition humaine. Cette condition est marquée par
l’instabilité générale des choses et des hommes. Cette vision s’inscrit dans
l’esthétique baroque. On comprend alors mieux la difficulté d’écrire cette œuvre
ainsi que le titre Les Essais (lié à sa vision de l’homme). Tous ces
éléments expliquent le recours au paradoxe « peindre le passage ».
En poésie, le baroque privilégie les images de l’eau et du
feu, symbole de l’écoulement et de l’insaisissable, ainsi que les métaphores,
les antithèses ou les personnifications, toutes figures qui établissent des
liens entre des réalités différentes, chez Théophile de Viau par exemple. Son
poème Ode est surprenant par la mise en place d’un climat inquiétant
favorable à l’apparition du fantastique. Cet ouvrage a un caractère nettement
visuel puisqu’il est construit sur une succession d’images très rapides.
Celles-ci mettent en place un monde à l’envers dans lequel toutes les lois de la
réalité sont bafouées. Ce qui domine, ici, c’est l’irrationnel, c’est une
tendance très importante de la littérature baroque. Cette caractéristique se
retrouve en art dans les peintures de Jérôme Bosch sans perspective avec des
images extrêmement complexes.
Qu’il soit pastoral ou satirique, le
roman accumule les
épisodes compliqués et les intrigues secondaires, multiplie les déguisements,
les fausses morts et les identités masquées. Le théâtre, lui, est un théâtre en
liberté et de liberté. Tout y est permis : le mélange des genres comme des
registres, l’irruption de l’extraordinaire et du merveilleux, la surcharge de
l’action. Seul importe d’éblouir le spectateur, de susciter en lui des émotions
fortes et variées, de satisfaire ses sens avant sa raison (contrairement à
l’idéal classique qui en appellera à plus de mesure et de vraisemblance). Avec
son jeu permanent sur les apparences, L’Illusion comique s’inscrit dans
ce courant. Cette pièce repose sur l’illusion, elle est constituée en trompe
l’œil avec de nombreuses scènes de théâtre dans le théâtre. On retrouve la
diversité des registres, de nombreux coups de théâtre avec pour chaque acte un
personnage principal.
Avec le baroque l’art
subit plusieurs évolutions :
- le maniérisme. Recueil de vers de Pierre de Marbeuf
s’inscrit bien dans cette expansion vers la virtuosité. C’est un poème qui
reprend le thème traditionnel, la passion amoureuse, mais qui va rechercher
l’originalité dans sa forme. Le poète va effectivement montrer son habileté en
mettant en valeur les ressemblances entre les éléments d’apparence et de nature
différente (l’amour, sentiment et la mer, élément naturel). C’est un poème
précieux car la forme prime sur le fond. On retrouve également le baroque dans
la complexité et la prouesse verbale. Ce qui se rapproche de la complexité de
l’architecture baroque. Ainsi ce poème est une torsade de phrases (avec un
écartement et un rapprochement de l’amour et de la mer). L’auteur utilise le jeu
de l’être et du paraître en utilisant des mots à deux sens. Il fait également
référence à l’eau, la mer reflet de l’inconstance des cœurs (ici, on n'a pas la
même idée du temps qui passe). La préciosité est la version mondaine du baroque
(avec l’aspect tragique et douloureux effacé).
En art, c’est le règne de la courbe et de la spirale, et des
sculptures très expressives, ainsi que de la volonté de peindre le mouvement.
- Un baroque de déception. Les Tragiques d’Agrippa
d’Aubigné s’inscrit dans ce mouvement. Cet ouvrage amène l’homme à réfléchir sur
sa condition, à refuser le plaisir de l’éphémère et à se consacrer à la
méditation. Il comprend « Misère » qui appartient à la littérature engagée. On
retrouve un double registre. D’une part, on a le registre épique qui a un rôle
argumentatif, il sert à dénoncer les guerres de religion. D’autre part, le
registre polémique est présent dans la mesure où d’Aubigné s’attaque aux
catholiques. Ce texte utilise des procédés qui relève du baroque. La recherche
du spectaculaire se retrouve dans la violence des images. On observe un
dynamisme du récit qui fait partie de cette esthétique. Il explique également la
littérature baroque française dans la mesure où la vision de l’homme à la fin du
XVI ième siècle a changé (humanisme avant le baroque place l’homme au centre du
monde).
« Sonnet II » extrait d’Essai de quelques poèmes chrétiens
de Jean de Sponde s’inscrit également dans cette révolution. Le thème de la mort
est omniprésent ainsi que la variété des choses humaines. La vie est présentée
comme une illusion, et la mort est présentée comme l’aboutissement nécessaire de
la vie. La tonalité de ce poème est grave et la vision est extrêmement
pessimiste. La violence domine dans ce texte par l’écriture, la recherche du
spectaculaire que l’on retrouve dans l’abondance et la richesse des métaphores,
dans les nombreux jeux de mots et les sonorités ainsi que dans la structure
complexe du sonnet.
En art, c’est le règne de la courbe concave du creux, de la
nature tourmentée, du morbide et de l’inquiétant. En sculpture, Germain Pilon
avec son Monument funéraire de V. Balbiani qui nous montre l’omniprésence de la
mort.
- Un baroque fondamentalement religieux. Le baroque va
montrer la puissance de l’Eglise et la glorifier. De nombreuses œuvres
religieuses vont alors être créées. Par exemple on retrouve en musique Stabat
Mater de Pergolesi qui met en scène la mort du Christ et la déception d’une
mère. Les fontaines sont placées au milieu des places, le fleuve étant un
hommage au Christ, symbole du salut éternel. Le baroque c’est l’art de la
célébration. Toute forme à un sens, tout est symbole et allégorie.
Pour le baroque, en peinture les thèmes rencontrés sont la
mélancolie ou la certitude, mais sont surtout opposés, de manière technique, le
dessin (le trait) et la couleur. Les partisans du trait comme Poussin font du
tableau presque un croquis d’architecte. Les partisans de la couleur, par
exemple Rubens, estompent les lignes de séparation entre les sujets ou les
objets peints au profit d’un jeu sur les couleurs : ce sont les ombres qui
marquent les séparations. La peinture dessinée accentue la profondeur, la
peinture colorée, les reliefs. Une définition de la signification de « baroque »
en peinture est fournie par les séries de tableaux exécutés par Pierre Paul
Rubens pour Marie de Médicis au Palais du Luxembourg à Paris (à présent au
Louvre[]) dans lesquels un peintre catholique satisfait aux exigences
d’un mécène catholique : les conceptions de la monarchie à l’ère baroque,
l’iconographie, la maîtrise de la peinture et les compositions tout comme la
description de l’espace et du mouvement avec une approche de la dynamique
émotionnelle.
En musique, on retrouve également l’opposition entre
mélancolie et certitude en écoutant successivement les compositions de l’époque
baroque. C’est alors un art de contraste qui se met en place. Celui-ci est
permis par les oppositions entre l’aigu et le grave, les sons et le silence, les
solistes et les chœurs. La musique baroque est basée sur le mouvement,
l’émotionnel et la rhétorique. On retrouve alors des nuances (piano,
fortissimo…) ainsi que la variété des tempos. Tous ces éléments figurent dans
« l’Orage de l’été » des Quatre saisons de Vivaldi, avec le thème de la
pluie (et donc de l’eau caractéristique du baroque). L’auteur utilise des
passages harmoniques suivis de canons ainsi qu’un mélange d’écriture opposant
harmonie et contre point Le pessimisme baroque se retrouve dans Gloria du
même compositeur. Cet extrait présente des dissonances, des tons bas, et une
gamme mineure qui mettent en place un climat de tristesse. La rhétorique, la
vivacité permise par le ton majeur, sont audibles dans Magnificat de
Bach. C’est l’art de la transmission et des beaux discours accompagné de
trompette et d’une montée dans les aigus.
L'architecture baroque est caractérisée par la profusion. Les
architectes n'hésitent pas à avoir recours à une ornementation « à outrance » :
les volutes, spirales, rocaille sont omniprésentes. Les fresques couvrant
l'intégralité du plafond apportent une touche de couleur, très souvent elles
ouvrent l'espace en y plaçant un ciel, donnant l'impression d'une architecture à
ciel ouvert, et ne reculent pas devant le recours au trompe-l’œil en particulier
en intégrant peinture et architecture (Coupole de saint Ignace). Même les
colonnes se mettent à virevolter sur elles-même, elles sont mises à la mode par
le Bernin avec son Baldaquin et la chaire de Saint-Pierre. On retrouve également
l'usage du clair-obscur et des jeux de lumière. L’architecture baroque, c’est la
théâtralité. Elle ouvre, perce des perspectives infinies.
En sculpture baroque, les ensembles de figures prennent une
importance nouvelle, il y a un mouvement dynamique et une énergie portée par les
formes humaines – elles s’enroulent en volutes autour d’un tourbillon central ou
atteignent vers l’extérieur les espaces alentours. Pour la première fois, la
sculpture baroque présente plusieurs angles de vue. Une des caractéristiques
principales est d’ajouter des éléments sculptés supplémentaires, par exemple,
des éclairages dissimulés ou des fontaines (eau, symbole du temps qui passe
caractéristique du baroque). Exemple, d’Apollon et Daphné du Bernin. On retrouve
ici des formes en ellipse, la spirale de la colonne, les oppositions des lignes
et de matières (effet de contraste et de dramatisation).
Cécile P.1S1 Lycée Lurçat
GLOSSAIRE...
...et petite
présentation des élèves de la classe de Français du Lycée Alessi
"Nous avons eu l’occasion de
lire votre travail au sujet du Baroque et nous l’avons bien apprécié même si
nous ne l’avons pas encore étudié car en troisième (terzo liceo) en italien nous
venons d’étudier ˝ Il Dolce Stil Novo˝ et en Histoire de l'Art nous venons
de terminer l’art Gothique.
Notre idée a été de créer un glossaire pour faciliter la compréhension de vos
textes à des italiens qui n’ont pas une maîtrise de votre langue.
Rupture
: rottura, cesura.
Déchirer
: straziare
Bouleversement :
sconvolgimento
Saisir :
cogliere
Caché :
nascosto
Faute de :
in mancanza di…
Paraître
: sembrare
Autoportrait
: autoritratto
Écoulement
: lo scorrere
Bafouées : beffate,
ridicolizzate
Insaisissable
: inafferrabilile
Déguisements
: travestimenti
Surcharge
: sovraccarico, complessità
Eblouir
: affascinare
Trompe
l’oeil : usato in Italia soprattutto in ambito artistico;illusione ottica (che
inganna l’occhio)
Coups de theatre
: anche in italiano per indicare un colpo di scena
Prouesse
: prodezza, artificio (giocare con le parole)
Torsade
: spirale
Engagée
: impegnata, usato anche in italiano
Aboutissement
: conclusione, raggiungimento del limite, fine
Creux
: cavo, incavo
Puissance
: potenza
Décepsion
: delusione
Salut
: salvezza
Croquis
: schizzo, disegno, bozzetto
Estomper
: sfumare
Rocaille
: anche in italiano “stile roccocò”
Fresques
: affreschi
Plafond
: soffitto
Virevolter
: svolazzare, girare su sé stessi
Percer
: attraversare, forare
Alentours
: intorno
"
Nous espérons que notre petit travail pourra
contribuer à mieux comprendre l’art Baroque, l’une des périodes les plus belles
de l’Histoire de l'Art."
Lucrezia B. e Lorenzo M.
(classe 3C) Liceo Alessi
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